Famille de Kernevenoy

Extrait

Chevaliers de Saint-Michel

François de Kernevenoy, dit de Carnavalet, seigneur de Kernevenoy, de Carnavalet, de Grisy et de Nogent-sur-Seine, conseiller du roy en son Conseil Privé, gentilhomme ordinaire de sa chambre, ayant rang de chambellan, premier écuyer de Sa Majesté, gouverneur d’Anjou, de Bourbonnois et de Forez, gouverneur du duc d’Anjou depuis roi Henri III, chef de son Conseil, surintendant de sa maison, et lieutenant de sa compagnie de 100 hommes d’armes, fut nommé chevalier de l’ordre de Saint-Michel le 7 décembre 1561 [à Saint-Germain-en-Laye], et on lit en conséquence dans un compte du trésorier de cet ordre que le 28 septembre 1562 il fut délivré un grand collier de l’ordre à messire François de Kernevenoy, chevalier de l’ordre du roy et gouverneur des personnes et maison de Monseigneur le duc d’Orléans dont le Roy luy avoit fait don en le faisant et créant chevalier de son dict ordre [(original chambre des comptes de Paris)], etc. Il obtint du roy Henry II dès le mois de juillet 1552 une gratification de 46 livres en considération de ses services, et jouissait déjà au mois de novembre 1553 d’une pension de la Cour de 900 livres à laquelle époque il vint trouver le roy à Chantilly d’après les ordres qu’il avoit reçus. Dans le même mois, Sa Majesté luy accorda encore une gratification de 2981 livres 5 sols en récompense des bons, grands et agréables services qu’il luy avoit rendus, et à raison aussi de la dépense qu’il avoit eu à faire en Italie où il avoit accompagné le duc de Guise. En 1555, il fut admis au nombre des gentilshommes de la chambre, charge dans laquelle il fut confirmé sous les roys François II et Charles IX. On remarque même que sous ce dernier règne et en 1566 il fut employé dans les états de ceux qui avoient en cette qualité le titre de chambellans. Au mois de may 1559, il obtint encor du roy une gratification de 2200 livres ; et au mois d’août suivant le roy François II luy en accorda une autre de 2400 livres en considération des services qu’il avoit rendus au feu roy Henri II son père. En 1565, il fut du nombre des seigneurs destinés à accompagner le duc d’Anjou qui allait au-devant de la reine d’Espagne jusques sur les frontières de Biscaye, etc. En 1570 sa pension étoit de 6000 livres. Il mourut à Paris le 18 avril 1571 âgé de 52 ans, et fut inhumé à Saint-Germain-l’Auzerrois où le chancelier de Chiverny luy fit ériger un tombeau qui sera à jamais un glorieux monument de ses vertus. « Ce seigneur de Kernevenoy (dit M. Le Laboureur dans ses additions aux mémoires de Castelnau) se peut mettre au rang des personnes les plus illustres que la Bretagne ait donnez à la cour de France, tant pour sa valeur que pour cette prudence singulière qui le mit en telle considération ... qu’il fut choisi pour gouverneur de Henry duc d’Anjou... Ce prince luy fut obligé de toute la gloire que luy valut sa belle éducation..... et on peut dire que tant qu’il fut sous sa conduite, il estoit le plus grand sujet de la maison royalle. Enfin ce seigneur de Carnavallet eut ce bonheur qu’on luy imputa tout ce qu’il eut de bon et qu’il n’eut aucun reproche de son dérèglement... Sa sagesse, son expérience et sa probité, dans un siècle perverty et sous un gouvernement odieux par ses violences, le firent estimer si nécessaire à la réputation du Conseil du roy et au bien de ses affaires, qu’il eut grande part au Ministère, etc. » [M. de Thou dit que c’étoit l’homme le plus recommendable par sa fidelité de moderation, la pureté et l’integrité de ses mœurs. Il étoit fils de Philippes de Kernevenoy, seigneur de Kernevenoy, et de Marie du Châtel. Ses armes vairé d’or et de gueules et un franc quartier d’hermines.]

François de Kernevenoy s’éleva par son seul mérite, comme l’a fait remarquer avec justesse l’auteur de la notice qui lui est consacrée dans la Biographie Bretonne. Il naquit en 1519 et « dès sa jeunesse, il se conduisit et s’acquitta si dextrement et sagement » de ses diverses charges à la cour du roi Henri II que ce monarque, avant de mourir, le désigna pour être gouverneur de son troisième fils, le duc d’Anjou, qui devait être roi de Pologne, et enfin roi de France sous le nom d’Henri III. A la mort d’Henri II, son successeur s’empressa d’exécuter l’une des dernières volontés de son père, et le 4 octobre 1559, il donna à messieurs de Sipierre et de Carnavalet « pouvoir de gouverneurs généraux des personnes de messeigneurs les ducs d’Orléans, d’Angoulême et d’Anjou, et superintendants de leur maison ». Ces lettres du roi ont été publiées par M. L. Paris dans les Négociations et lettres… relatives au règne de François II (Documents inédits de l’Histoire de France). II était premier écuyer du roi dès l’année 1553, pendant laquelle il commença à faire bâtir son château de Noyen. « Au parc de Nogent a esté prins le boys et partie des pierres du chasteau de Noyen-sur-Seine qu’on commença à bastir es dites années 1553, 1554 et ceste présente ; lequel lieu de Noyen fut faict par ung gentilhomme seigneur dudit lieu nommé monsieur de Carnavalet, escuier du roy Hanry, qui accommoda ledit chasteau, pour faire une escurie des chevaux du roy, pour les picquer et dresser avec les pages de Sa Majesté, qui toute la vie dudit Carnavalet, ont esté entretenus audit lieu pour cet effect aux dépens du roy » (Mémoires de Claude Haton, Documents inédits de l’Histoire de France). Claude Haton s’étend assez longuement sur François de Carnavalet dans ses Mémoires. Il l’accuse formellement d’avoir entretenu des intelligences avec les huguenots. C’est le seul historien qui ne fasse pas sans restrictions l’éloge de ce grand homme. En 1567 le roi avait établi son camp à Provins ; « l’ennemy huguenot passait la rivière de Marne tout à son loisir… Le roy les eut prins au passage, mais les gouverneurs que la royne-mère avait donnés à M. le duc son filz, l’un desquels estoit des principaux M. de Carnavalet, seigneur de Noyen-sur-Seine, avoient grande intelligence avec le sieur prince de Condé… et ne se passoit ne jour ne nuit qu’ilz eussent nouvelles les ungs des aultres, el estoient les intelligences si grandes et bien dressées, que les jours que les dits huguenots cheminoient pour gangner pays, le camp du roy se reposoit, et les jours qu’il cheminoit, le camp huguenot se rafraichissoit et se reposoit ». L’année suivante, les troupes du roi et celles des huguenots étaient campées à Notre-Dame de l’Espine. Le roi voulait la bataille, Catherine de Médicis était d’un avis contraire ; elle vint trouver son fils, et feignit de se laisser convaincre ; mais elle fit secrètement avertir les huguenots et le prince de Condé qui les commandait de lever le camp pendant la nuit. « Il fut nouvelle que le sieur de Carnavalet, seigneur de Noyen-sur-Seine, despescha le messager par le commandement de laditte dame, pour porter la nouvelle au prince de Condé qu’il eust et son camp à prendre la fuitte la nuict, comme déjà de soy-mesme luy avoit mandé en tels termes : « Lâchez vos lièvres et lapins, car nous ne sçaurons plus a retenir nos chiens… ».
Quoi qu’il en soit des griefs formulés par Claude Haton contre François de Kemevenoy, il est certain qu’il fit vaillamment son devoir à la bataille de Moncontour, où il accompagna le duc d’Anjou. La première charge y fut exécutée par « cinquante gentilshommes composant la cornette blanche, en avant du Dauphin, sous les ordres de Monseigneur de Carnavalet » (Mémoire militaire sur la bataille de Moncontour, Fulgence Janin). Jean Le Laboureur (Additions aux Mémoires de Castelnau) le range au nombre des gentilshommes qui se distinguèrent à cette action.
Deux ans après en 1571, la mort l’arrêta brusquement dans sa carrière et dans l’espérance d’une plus haute fortune. Il est curieux de recueillir encore au sujet de cet événement le témoignage de Claude Haton : « En ceste présente année, morut à Paris le seigneur de Carnavalet On parla doublement de la manière et occasion de sa mort ; aulcuns dirent qu’il estoit mort de maladie naturelle, aultres de mort forcée et accélérée par luy et les siens, de peur de tomber en infamie par une mort ignominieuse, pour quelque traïson qu’il avoit faict au roy, ce que je ne croys, d’aultant qu’il a recommandé sa femme et enfant au roy et à Mons. le duc d’Anjou, et est demeuré ledit enfant à la court du roy et de Monsieur pour y estre nourry. On avoit fort maulvaise oppinion touchant la religion catholique dudit Carnavalet ; et ont creu moult de gens qu’il servoit de référendaire aux princes et seigneurs huguenots des secrets qu’il savoit que le roy et Monsieur leur voloient faire par surprinses et ruses de guerre durant les troubles et depuis, et de ce en fut quelquefois accusé devant leurs majesté et altesse, dont il eut de la peine de se purger ; et tombe une partie de son crédit ès maisons desditz sieur… ».
Nous avons fait ces citations parce que nous les croyons intéressantes ; mais les allégations qu’elles contiennent nous semblent dénuées de fondement. Tous les historiens sont d’accord pour rendre hommage aux qualités et aux vertus de François de Kernevenoy. M. de Thou a fait l’éloge de sa modération. Claude Haton qui, en dépit de son caractère sacerdotal, écrivait que « les genstuehomme sont genspillehommes en plusieurs endroits du royaulme, et n’ont rien en plus grande hayne que leurs subjectz », ne connaissait pas cette éminente vertu, si rare en ces époques troublées. Là où il a vu de la duplicité, il avait de la modération, qui comprenait que les haines de partie déchiraient la France, et que le sang répandu dans ces luttes fratricides, de part et d’autre, était du sang français.
Nous ne reviendrons pas sur l’épitaphe de François de Carnavalet composée par son ami le chancelier de Chiverny qui a été publiée d’après Jean Le Laboureur par les auteurs de la Biographie Bretonne, et qui commençait par ces mots : Francisco Carneveneo. Cette traduction en latin du mot Kernevenoy par celui de Carneveneus, fut la cause probable d’une erreur assez curieuse, que Dom Morice lui-même contribua à accréditer.
Lorsque François de Carnavalet mourut, il laissait un fils, Charles, mort lui-même sans alliance pendant les guerres de religion en poursuivant des ligueurs qui couraient sur ses terres. Mais la famille de Kernevenoy ne s’éteignait pas en sa personne ; il existait des branches collatérales. Elles comparurent un siècle plus tard à la Réformation ; et elles furent confirmées dans leur noblesse. Il n’y avait pas encore cent ans que François de Kernevenoy avait disparu de ce monde ; cependant la famille qui portait son nom ne se prévalut pas d’un souvenir qui lui faisait tant d’honneur. Dans l’arrêt qui fut rendu en sa faveur, il ne fut pas fait mention de François de Carnavalet ; et l’on cherche en vain sa trace dans les généalogies de cette maison, composées sur les originaux des arrêts qui ont été brûlés pendant la Révolution.
Tandis que la famille de Kernevenoy laissait ainsi perdre ses traditions, la famille de Carné, induite en erreur par la ressemblance avec son nom des deux premières syllabes du mot latinisé, dont nous parlions tout à l’heure, et par une similitude de prénoms, croyait reconnaître en ce Franciscus Carneveneus, François de Camé, seigneur de Cremeur, et frère cadet de Jérôme, chevalier de l'ordre du roi.
En 1657, le chef de la famille était Jean-Urbain, comte de Camé, second fils de Jean, gouverneur de Quimper, chevalier de l’ordre, et de Françoise de Kernezne, devenu l’aîné par la mort sans enfants de son frère René, chevalier de l'ordre du roi. Pressé par le désir de réunir toutes les pièces relatives à l’histoire de sa maison, Jean-Urbain de Carné envoya à Paris Bertrand Le Mezec, seigneur du Boisdizen, muni d’une procuration. Ce dernier qui descendit « rue et place Dauphine, en la maison où pend pour enseigne le Chapeau Rouge, paroisse de Saint-Barthélémy », se transporta le 14 mars de cette année 1657 accompagné de deux notaires en l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois où il fit prendre copie de l’épitaphe de François de Kernevenoy. Le monument, qui a été détruit pendant la Révolution, était placé au chœur « entre les deux piliers cottés 47 et 48, tant du côté de l’épître que de la sacristie ». Il se composait d’une table en marbre noir sur laquelle l’épitaphe était écrite en lettres d’or et que supportaient deux colonnes également en marbre noir. Sur la face opposée, on pouvait lire l’inscription suivante « en mêmes lettres d’or et plus gros caractère » : Perenni memoriae et quieti Francisci Camenei, aequitis armorici, viri nobilis et strenui et optimi. Les notaires dressèrent un acte qui à la Réformation de 1668 fut placé par Jean-Urbain de Carné avec toutes les autres pièces de sa maison, entre les mains des commissaires de la noblesse de Bretagne. Ceux-ci trouvèrent cette preuve suffisante, et trompés par les apparences, ils donnèrent une place dans l’arrêt qu’ils rendirent en faveur de Jean-Urbain de Carné, à François de Camé, frère puîné de Jérôme, et gouverneur du Dauphin, fils d’Henri II. L’autorité de la Chambre établie pour la réformation prêta une grande force à cette erreur que tous les auteurs généalogistes reproduisirent. Dom Morice lui-même s’y laissa prendre ; et il écrivit les lignes suivantes (tome III de ses Preuves, colonne 1392). « Henri III, estant duc d’Anjou, avoit eu pour gouverneur François de Carné, frère de Jérôme, lequel François mourut à Paris cette mesme année 1571, et son épitaphe fut faite par Philippe Hurault, comte de Chiverni, depuis chancelier de France ». Nous ajouterons enfin que peu de temps avant l’année où Dom Morice publia les Preuves de l’Histoire de Bretagne, la terre de Carnavalet avait passé de la maison d’Acigné en celle de Camé. Cette circonstance rendit encore l’erreur plus spécieuse et la vérité plus difficile à découvrir, en transférant à l’une des branches de la maison de Carné qui le porte encore ce nom de Carnavalet, seul connu à la cour pour désigner François de Kernevenoy, parce qu’il était plus doux à prononcer.
François de Kernevenoy s’était marié deux fois. Il avait épousé en premières noces, Anne Hurault, dame d’honneur de la reine Marie Stuart, fille de Jean, seigneur de Vueil, et de Jeanne Raguier, qui mourut le 20 juin 1560. En secondes noces il avait épousé le 20 novembre 1566 Françoise de la Baume, veuve de François de la Baume, baron de Saint-Sorlin, son cousin, et fille de Jean, comte de Montrevel et d’Hélène de Tournon. Un aveu qui fut rendu entre 1571 et 1583 par Guillaume de Kernec’hriou au nom de cette dernière, curatrice de son fils Charles, nous apprend que François de Kernevenoy était seigneur de Coatalan et de Kerjanégan, paroisse de Cavan. Françoise de la Baume acquit en 1578 de Théodore des Ligneris, fils du président de ce nom, l’hôtel connu depuis sous le nom d’Hôtel Carnavalet, qui avait été construit par Jean Bullant sur les plans de Pierre Lescot et orné par le ciseau de Jean Goujon, qui devint le séjour préféré de Mme de Sévigné, et qui est aujourd’hui le Musée municipal de la ville de Paris.

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Réformation de la noblesse (1668-1671)

Evènement (2 notices)

  • Arrêt de maintenue en la Chambre : samedi 31 août 1669 (2 notices).
    • Archives départementales du Morbihan, 1 J 1003, "Livre du Botcol", p. 424-425.
    • Archives départementales du Finistère, 32 J 2, "Livre de Kerézellec", p. 32.