Les Chevaliers bretons de Saint-Michel

Note sur le collier de Saint-Michel (Gaston de Carné)

Les statuts de Louis XI donnent du collier de Saint-Michel la description suivante : « Ung collier d’or faict à coquilles laxées l’une avec l’autre de ung double lax assises sur chainettes ou mailles d’or, au millieu duquel sur ung roc aura ung ymaige d’or de Mgr sainct Michel, qui reviendra pendant sur la poitrine, lequel collier sera du poix jusques à deux cens escuz d’or et au dessoubz sans estre enrichy de pierres ne aultres choses. » (Art. III et IV.) Une devise courait autour de l’ovale qui terminait le collier : « Immensi tremor Oceani, » par allusion à la protection surnaturelle du Mont par l’archange. Suivant quelques auteurs, la médaille portait une seconde inscription : « Pretium non vile laborum, » empruntée, comme la première, à l’Ordre de Bourgogne. Les coquilles étaient émaillées de rouge et de blanc. Les aiguillettes ou lacs d’amour, qui les reliaient entre elles, étaient en soie noire à longs ferrets d’or. Le roi François Ier, au chapitre tenu a Blois, en 1516, « substitua à ces aiguillettes de doubles cordelières d’or, tant à raison de ce qu’il se nommoit François, que pour conserver la mémoire d’Anne de Bretagne, sa belle-mère, qui l’en avoit prié. » (Préface de d’Hozier.) Le poids du collier était de 3 marcs, 6 onces, 4 gros d’or d’escu, d’après un compte fourni, en 1526, par un orfèvre qui avait fabriqué un collier, pour remplacer celui que François Ier avait perdu dans le désastre de Pavie. Le prix était à peu près toujours le même ; il variait suivant le poids qui ne s’écartait guère des chiffres donnés plus haut. Un compte de Gilles de Suramond, orfèvre du Roy, en date du 23 décembre 1560, s’élève à la somme de 721 livres tournois « à savoir 61c XX ₶ pour son paiement de l’or d’un grand collier de l’Ordre contenant 24 nœuds et autant de doubles coquilles avec une image de Saint-Michel garny de son rocher pendant à deux petites chenettes, le tout pesant 3 marcs, 3 onces d’or d’escus, à raison de IXxx III₶ le marc et C₶ pour la fazon. » (Clair. 1243.) Le collier était enfermé dans un riche étui. Nous en trouvons la description dans une ordonnance adressée par Charles IX, le 11 janvier 1562, à M. de Villeroy, trésorier de l’Ordre, afin qu’il délivre à François de Kernevenoy le collier du « feu vicomte de Gourdon, » et qu’il paye à Jean Rolant, maître orfèvre de Paris, la somme de 29₶, à savoir, 20₶ pour son paiement d’un grand étuy fait en façon d’ovale, couvert par dehors de cuir de Turquie doré et enrichi en façon de moresque, et doublé par dedans de velours noir, garni de six annelets et de six crochets d’argent, avec un bourlet de taffetas viollet plain de cotton, que ledit Rolant a fourny... pour mètre et envelopper ledit collier, et 9₶ pour avoir esmaillé, soudé, dressé et mis en couleur, les nœuds et doubles coquilles dudit collier, avec ledit Saint-Michel, qui estoient rompus et brisez. » (Ibid.). Louis XI avait fait une obligation, sous peine d’amende, aux chevaliers de Saint-Michel, de porter le collier tous les jours. Les statuts étaient encore observés sur ce point sous le règne de François Ier. Brantôme entendit un jour ce monarque raconter « qu’il fit une grande réprimande et lancement à un chevalier qui avoit osté son Ordre, » parce qu’il venait d’être fait prisonnier de guerre et qu’il voulait dissimuler sa qualité, pour payer une rançon moins considérable. Bientôt la coutume s’établit de réserver le grand collier pour les solennités de l’Ordre, « au jour de Saint-Michel, aux grandes festes et magnificences et aux enterremens des compagnons, » (Brantôme) et de n’avoir, pour l’usage quotidien, qu’une médaille en or émaillé, suspendue à un ruban de soie noire et désignée sous le nom de petit ordre. Lorsqu’un chevalier mourait, son collier était porté, sur un coussin, à ses funérailles. Le P. du Paz nous apprend que les choses se passèrent ainsi, en 1574, aux obsèques de Tanguy de Rosmadec. Mais le collier appartenait a l’Ordre et non aux héritiers du chevalier décédé ; ceux-ci étaient tenus de le renvoyer au Trésorier dans un délai de trois mois. Louis XIV fit subir quelques modifications au collier et a la médaille. Il remplaça cette dernière par une croix, ornée de fleurs de lis entre les branches, et au centre de laquelle se trouvait un émail représentant l’archange. En 1701, il ne restait entre les mains du grand trésorier des Ordres qu’un seul collier de l’ancienne façon, qui pesait 3 marcs, 4 onces, 5 gros et demi d’or (Clair. 1242.). L’on peut voir au Mont-Saint-Michel le collier du duc de Mortemart, le dernier des chevaliers de l’Ordre nommés par le gouvernement de la Restauration, qui s’était empressé de faire revivre l’antique institution de Louis XI.