Les Chevaliers bretons de Saint-Michel (Gaston de Carné)

Pièce I

Le Roy envoye le collier de Saint-Michel au duc de Bretagne qui ne l’accepte pas

Et audit temps et an M IIII LXIX, le Roy estant à Amboise envoya Embassadeurs devers le duc de Bretaigne, par lesquels il envoyoit audit duc de Bretaigne son Ordre nouvellement créé et mys sus, affin que icelle il portast et jurast tout ainsi et selon que l’avoient prinse et jurée plusieurs autres princes et seigneurs du Royaulme. A quoi ledit duc respondit qu’il ne tireroit jamais au collier avec le gouverneur du Lymosin nommé messire Gilbert de Chabannes, seigneur de Curton, ne avec les maistres Jehans du Roy. Et jaçoit ce que le Roy luy eust fait cest honneur, néantmoins il le reffusa ; de quoy le Roy se tint pour mal content. Et tantost après le Roy ordonna certaine quantité de gendarmes de son ordonnance et ses archiers, avec partie de son artillerie, pour faire guerre audit duc de Bretaigne et ses pays. Mais avant le partement desdits gens de guerre pour aller audit pays de Bretaigne, fut donné délay audit duc de Bretaigne de dix jours entiers qui faillirent le XVe jour de février, pour donner au Roy sa responce de tout ce qu’il auroit intention de faire et comment il se vouloit avec luy gouverner. » (Extrait d’une grande chronique manuscrite de Louis XI, au cabinet de M. l’abbé le Grand, écrite sur vélin avec miniatures). Statuts de l’Ordre. Gd in-8e, 1725.

Pièce II

Lettre du roi Charles IX à Judes de Saint-Pern pour lui notifier son élection dans l’Ordre de Saint-Michel.

Monsr de Ligoyer. Pour voz vertus, vaillances et mérites, vous avez esté eleu et choisy par l’assemblée des chevaliers, frères et compagnons de l’ordre Monsieur Sainct-Michel, pour estre assocyé à ladite compagnye. Pour laquelle élection vous nottifier et vous bailler de ma part le collier dudit ordre, si vous l’avez agréable, j’en escris présentement au sieur de Pougny, chevalier dudit ordre, auprès duquel vous vous renderez, et serez contant d’accepter l’honneur que ladite compaignie vous désire faire, qui sera pour augmenter de plus en plus l’affection et bonne volunté que je vous porte et vous donner occasion de persévérer en la dévotion que vous avez de me faire service, pryant Dieu, monsr de Ligoyer, vous avoir en sa saincte et digne garde. Escript au boys de Vincennes, le XVIe jour d’avril 1574.

Charles.

Fizes.

Pièce III

Lettre de Charles IX au sieur de Pougny pour le charger de remettre le collier de Saint-Michel à Judes de Saint-Pern.

Monsr de Pougny. Voullant recognoistre les services que m’a cy-devant faictz et continue tous les jours le sieur de Ligoyer, j’ay advisé l’honorer de mon ordre et luy faire en cela paroistre la bonne souvenance que j’ay de luy et combien je l’estime pour ses vertus et mentes, et pour ceste occasion je vous prye de luy bailler le collier dudit ordre et la lettre que je luy escris pour cest effect avec les cérémonies à plain déclairées au mémoire et instruction que je vous envoye, duquel sieur de Ligoyer vous retirerez après ung acte de l’acceptation qu’il fera dudit ordre en la forme contenue par le double que pareillement je vous envoyé, que vous m’envoyerez incontinent, pryant Dieu, Monsr de Pougny, vous avoir en sa garde. Escript au boys de Vincennes, le XVIe jour d’avril 1574.

Charles.

Fizes.

Pièce IV

Instruction au sieur de Pougny pour recevoir Judes de Saint-Pern chevalier de Saint-Michel.

Monsr de Pougny, chevalier de l’Ordre du Roy, baillera au sieur de Ligoyer la lettre que Sa Majesté luy escrit, par laquelle il entendra comme par ses vertus et mérites il a esté choisy et esleu par icelui seigneur souverain et les autres chevaliers de l’Ordre Monsieur Sainct-Michel estans auprès de luy pour y estre associé, et, s’il accepte ladite ellection, ledit sieur de Pougny luy fera scavoir où il aura à se trouver pour luy donner ledit ordre.

Il luy fera entendre et déclarera plus amplement ladite ellection et que ce qui a meu ledit seigneur souverain et autres chevaliers dudit ordre à l’appeller et l’associer en icelle compagnye a esté la cognoissance qu’ilz ont de ses vertuz et vaillances avecq espérance qu’il persévérera à l’honneur dudit ordre et a sa plus grande recommandation et louange.

Cela faict le fera mectre à genoulx et luy fera promettre et jurer en ses mains par ses foy, serment, et sur son honneur, ses mains touchans les saints Evangilles de Dieu ainsi qu’il ensuyt :

Vous jurez Dieu votre Créateur et sur la part que vous prétendez en Paradis que a votre loyal pouvoir vous ayderez à garder, soustenir et deffendre les haultesses, droictz de la couronne, majesté royal et l’auctorité du souverain de l’Ordre et ses successeurs souverains tant que vous vivrez et serez d’iceluy ; que de tout votre pouvoir vous employerez à maintenir ledit ordre en estât et honneur et mectrez peine de l’augmenter, sans le souffrir descheoir ou amoindrir, tant que vous y pourrez remédier et pourveoir ; s’il advenoit (que Dieu ne vueille) qu’en vous fust trouvé aucune faulte, par quoy selon les coustumes dudit ordre en feussiez privé, sommé et requis de rendre ledit collier, vous en ce cas renvoyerez audit souverain ou au trésorier de l’Ordre, sans jamais après ladite sommation porter ledit collier ; et toutes peynes, pugnitions et corrections, qui pour aultres moindres cas vous pourroient estre enjoinctes et ordonnées, porterez et accomplirez patiemment, sans avoir paour ne porter à l’occasion desdites choses hayne, malvueillanoe ou rancune envers ledit souverain, frères, compaignons et officiers dudit ordre ; que vous viendrez et comparoistrez aux chappitres, conventions et assemblées de l’Ordre ou envoyerez selon les statuz et ordonnances dudit ordre ; et au souverain et à ses commis obeyrez en toutes choses raisonnables touchans et regardans le devoir et affaires d’icelluy ordre ; et de votre loyal povoir accomplirez tous les statuts, poinctz, articles et ordonnances dudit ordre que avez veuz par escript et ouy lire, et les promectez et jurez en général tout ainsi que si particulièrement et sur chacun point en aviez fait serment especial.

Ce faict, ledit sieur de Pougny prendra le collier dudit ordre et le mectra autour dudit sieur de Ligoyer en lui disant : « L’ordre vous reçoit en son amiable compaignye, et en signe de ce, vous donne ce présent collier. Dieu vueille que longuement vous le puissiez porter à sa louange et service, exaltation de sa sainte Eglise, accroissement et honneur de l’Ordre, et de voz mérites et bonne renommée. Au nom du Père et du Fils et du benoist Saint-Esprit ».

Après il respondra « Dieu m’en donne la grâce ».

Après le baisera en signe d’amour perpétuelleAprès la réforme de l’Ordre en 1665, la cérémonie se passaient ainsi qu’il suit, d’après un procès-verbal du 7 juin 1706, signé par Clairambault, généalogiste des Ordres du roi :
« M. le duc de Chevreuse estant dans son cabinet, a recen, moy présent, le serment de M. de l’Espine-Danican en cette sorte. Il s’est asssis dans un fauteuil, son chapeau sur la teste, et le sieur Danican, nue teste, à genoux devant luy sur un carreau de velours. Son serment finy, il l’a signé sur une petite table mise exprès à côté. M. le duc de Chevreuse s’est levé, a tiré son épée du foureau et luy en a donné un coup sur chaque épaule, en luy disant : Par Saint-George, et par Saint-Michel, je vous fais chevalier. Il luy a donné la croix, l’a embrassé ; après quoy le sieur Danican s’est levé, luy a fait une profonde révérence et l’a remercié » (Clair. 1245, f. 4382).
.

Retirera ledit sieur de Pougny dudit sieur de Ligoyer ung acte de son acceptationL’acte d’acceptation était à peu de chose près la reproduction de la formule du serment ; c’est pourquoi nous ne donnons pas [sa teneur ici]. dudit ordre signée de son seing et scellée de son scel, de la teneur dont est envoyé le mémoire, et le renvoyera après au seigneur souverain dudit ordre.

Faict au chasteau de Vincennes, le XVIe jour d’avril 1574.

Charles.

Fizes.


Toutes ces pièces existent en original, sur papier, aux archives du château de Couëtlan (Côtes-du-Nord) qui appartient à Madame Jourdain de Coutance, née de Saint-Pern de Couëtlan. Nous en devons la communication à M. le baron René de Saint-Pern qui a bien voulu, en quelque sorte, prendre sa part de notre tâche en nous adressant de nombreux et précieux renseignements pour la rédaction de nos notices y et auquel nous offrons ici le témoignage de notre vive reconnaissance.